Molière à la table en public

Lancé en novembre 2020 dans notre programmation en ligne Comédie d’automne, le Théâtre à la table détourne une expression courante au théâtre, le travail à la table. Quand, privés de spectateurs en salle, nous avions la chance de nous glisser en coulisses et d’assister, dans un même temps à la représentation et au montage vidéo en direct, nous ne pouvions nous empêcher de nous dire à quel point il serait formidable de pouvoir partager ce spectacle avec le public. C’est ainsi qu’est née l’idée d’À la table en public.

Une pièce de Molière et un grand écran, au plateau du Théâtre du Vieux-Colombier et du Studio-Théâtre. Une équipe de comédiennes et de comédiens prépare en cinq jours la présentation d’une pièce, dévoilant le travail de lecture à la table, première étape des répétitions concentrée sur la recherche du sens. Il s’agit d’offrir au public la possibilité de toucher du doigt ce premier moment de construction d’une pièce, le défrichage initial. Réalisé par Clément Gaubert, À la table en public propose aux spectateurs de vivre l’expérience en salle, comédiens en scène et montage à vue, pour suivre en parallèle le spectacle vivant et ce que la caméra va chercher du regard des acteurs, de leurs mots, de leurs silences. La captation, montée en direct, sera par la suite diffusée en ligne sur notre site Internet.

Avec le mécénat de François Jerphagnon

« De La Jalousie du barbouillé à George Dandin, Molière utilise la trame de la farce pour écrire une comédie-ballet. Mais si on retire la musique de Lully et sa légèreté, on découvre un drame cruel dans lequel une jeune femme est sacrifiée sur l’autel du profit par ses parents de petite noblesse désargentée. C’est aussi l’humiliation sociale d’un paysan parvenu par cette même aristocratie, le mépris des femmes par les hommes, des valets par leurs maîtres. Bref, la cruauté des humiliés. On rit comme dans toute comédie de Molière, mais contrairement à la règle celle-ci ne se termine pas par un mariage mais par un constat amer, une défaite collective.
Est-ce une farce ? Est-ce un drame ?
Une comédie humaine tragiquement lucide.
C’est un conflit de génération et de lutte de classes sociales. J’aimerais donc opposer deux générations de comédiens – la jeunesse d’Angélique, Claudine, Clitandre, Lubin, Colin à la maturité de M. et Mme de Sotenville. Et de Dandin pour incarner cette lutte de classe entre les Sotenville, leur fille et Clitandre contre Dandin, Claudine, Lubin et Colin. L’humiliation est aussi entre les générations, les genres, les statuts sociaux : Dandin humilie Claudine, Colin, Angélique ; les Sotenville humilient Dandin mais le sont eux-mêmes par Clitandre, qui sera féroce avec Dandin et méprisant avec Lubin ; Angélique se venge et humilie Dandin avec l’aide de Claudine ; Clitandre a-t-il vraiment de l’amour pour Angélique ou s’en amuse-t-il ?
Nous serons à la table de George Dandin, pour la lecture des signes de ce couple humiliant-humilié avec la présence d’un public présent ou supposé tel. » Hervé Pierre

« Personnage emblématique du théâtre de Molière, qu’il a lui-même interprété dans les sept pièces dans lesquelles il apparaît, Sganarelle trouve l’origine de son nom dans le verbe italien sgannare qui signifie « dessiller, ouvrir les yeux », et par extension « amener à voir ce qu’on ignore ou veut ignorer, faire comprendre la vérité » ! On ne peut rêver meilleur guide pour aborder l’œuvre de Molière, œuvre complexe sous une apparente simplicité, où derrière l’énergie gourmande et la réjouissante vitalité de la farce, se révèle, par une lecture approfondie, un univers plus sombre, plus violent. C’est là sans doute que réside l’intemporalité, l’universalité d’un auteur qui s’est toujours attaché à « l’humain » dans ce qu’il a de plus fragile, vulnérable et douloureux.
Dans Le Cocu imaginaire, la violence des sentiments nous saisit dès le début de la pièce. Violence paternelle à l’égard des jeunes femmes, désespoir, désir de mort, de meurtre, jalousie, vengeance, aveuglement, lâcheté et honte. Ces défauts, poussés ici à l’extrême, nous frappent dès la première lecture. Mais le génie comique de Molière est de nous les présenter sous le déguisement de la farce, du grotesque, du ridicule, et nous permettre, par le rire, de les reconnaître et d’exorciser le malaise qu’ils nous procurent lorsque nous pensons nous y reconnaître un peu !
Cette proposition, par la proximité de jeu et d’interprétation qu’elle nécessite, va nous permettre de sonder plus intimement, plus profondément le trouble et le désarroi qui agitent les personnages. Sans toutefois oublier la santé puissante et jubilatoire qui sous-tend l’œuvre et fait de Sganarelle, en quelque sorte, le bouffon de Molière, qui dénonce toutes les tares humaines en en prenant le masque. » Thierry Hancisse

À venir au Théâtre du Vieux-Colombier :
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC dirigé par Véronique Vella 4 AVR VX-COLOMBIER / 9 AVR en ligne
LES FEMMES SAVANTES dirigé par Anne Kessler 2 MAI VX-COLOMBIER / 21 MAI en ligne
AMPHITRYON dirigé par Jérôme Pouly 20 JUIN VX-COLOMBIER / 9 JUIL en ligne

À venir au Studio-Théâtre :
LE SICILIEN OU L'AMOUR PEINTRE dirigé par Nicolas Lormeau 7 MARS STUDIO / 26 MARS en ligne
LE MÉDECIN VOLANT dirigé par Géraldine Martineau 11 AVR STUDIO / 7 MAI en ligne
LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS dirigé par Noam Morgensztern 13 JUIN STUDIO / 18 JUIN en ligne